La gestion du backlog des travaux de maintenance

La gestion du backlog de maintenance semble être un sujet tabou dans plusieurs entreprises. En général, on le cache et on ne veut pas vraiment connaître l’ampleur de celui-ci ! Pourtant, la gestion du backlog est l’un des secrets d’une bonne gestion de la maintenance.

Le backlog devient souvent une sorte de voie d’évitement où plusieurs travaux sont envoyés en attente d’être faits, mais de nouveaux travaux urgents ou plus prioritaires les dépassent constamment. J’ai entendu certains clients l’appeler le « Black Log », une fusion de liste noire et de trou noir. Un endroit où on envoie nos travaux en espérant qu’ils disparaissent et qu’on n’en entende plus jamais parler.

Malheureusement, ce n’est pas comme le bon vin et ces travaux ne vont pas s’améliorer avec le temps ! Certains deviendront caducs avec le temps car le procédé a changé ou l’équipement a été remplacé, mais d’autres évolueront pour se transformer en défaillances majeures. Pire encore, ils seront traités en urgence, un nouveau bon de travail sera créé et l’ancien sera oublié dans le backlog !

Bien gérer l’entrée et la sortie

La première étape dans la gestion du backlog est de bien filtrer les travaux qui entrent. Une personne telle que le coordonnateur de production doit être chargée de faire un premier niveau de filtrage. Les demandes imprécises doivent être révisées et celles qui sont irréalistes doivent être refusées. Il est important de donner une bonne rétroaction au demandeur lorsque la demande n’est pas claire ou refusée. Cela fait partie intégrante du processus d’éducation.

C’est la première étape pour garder un backlog propre. Évitez de créer un bon de travail et de dire à la personne oui, c’est dans le backlog et ce sera fait… un jour !

La deuxième étape consiste à bien fermer les travaux exécutés. En général, les équipes de maintenance sont excellentes pour réaliser les travaux physiquement, mais elles attachent souvent peu d’importance à transmettre cette information dans le logiciel de GMAO. J’ai vu ce scénario dans beaucoup trop d’entreprises ! Les travaux sont exécutés sur le terrain, mais l’information n’a jamais été mise à jour dans le système. Des mois plus tard, tout le monde se questionne à savoir si les travaux ont vraiment été faits et on perd un temps précieux à revalider l’information.

Ces 2 étapes aident à garder un backlog en santé, mais ce ne sont pas les seules étapes requises. Je parlerai dans les prochains paragraphes des autres étapes nécessaires.

Qui est responsable de gérer le backlog ?

Comme discuté dans mon article “Avez-vous besoin d’un coordonnateur d’équipement ?”, l’idéal est toujours d’avoir un responsable de production pour valider et faire le suivi du backlog.

C’est lui qui connaît le mieux le procédé de production et saura si les travaux sont nécessaires ou s’ils doivent être annulés car des changements ont été apportés au procédé.

Même si un bon processus d’approbation des demandes est en place, il sera quand même nécessaire de faire le ménage régulièrement. Le coordonnateur relancera régulièrement les demandeurs afin de vérifier si leurs demandes sont toujours nécessaires !

Est-ce que la maintenance préventive fait partie du backlog ?

Non ! La maintenance préventive ne devrait pas être dans le backlog. Elle doit être programmée et se gérer automatiquement. Les effectifs nécessaires sont faciles à calculer et une capacité de main-d’œuvre doit être réservée pour qu’elles soient toujours effectuées !

“Les maintenances préventives devraient toujours être faites et ne font pas partie du backlog !”

Oui je sais, c’est plus facile à dire qu’à faire ! Mais faire vos maintenances préventives est la seule façon d’éliminer vos urgences !

Mesure et indicateurs de backlog

Mettre en place des indicateurs de performance est la troisième étape pour vous aider à bien gérer le backlog et vous forcer à faire le ménage.

Âge moyen du backlog

Mesurer l’âge moyen du backlog est l’indicateur le plus facile à mettre en place et c’est une bonne façon de se forcer à faire le ménage. Une requête simple ou même Excel vous aidera à faire ce calcul.

Présentez ensuite l’information sous forme d’histogramme pour voir comment se distribue la courbe d’âge de vos bons de travail, comme illustré dans l’image. De façon exceptionnelle, vous ne devriez pas avoir de bons de travail plus vieux qu’un an. Si c’est le cas, remettez immédiatement en question le besoin de réaliser ces travaux !

Taille du backlog en heures

La mesure idéale du backlog est de connaître le nombre de semaines de backlog. Pour ce faire, chacun des bons de travail doit avoir une estimation du temps. Cette information permet de connaître la charge de travail pour chaque métier, type de travaux, etc. Pour calculer le nombre de semaines de backlog, il faut ensuite savoir combien de ressources sont disponibles en moyenne chaque semaine pour traiter les travaux du backlog.

Typiquement, on vise 4 à 6 semaines de backlog total et 2 à 4 semaines de backlog prêt. Cet indicateur vise principalement les travaux correctifs et ne tient pas compte des projets.

C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir une bonne catégorisation du backlog et de bien connaître les travaux qui sont critiques. Voici quelques exemples de rapports que vous devez pouvoir générer facilement :

  • Backlog total : la liste totale des bons de travail qui ne sont pas fermés. Tant qu’un bon de travail n’est pas fermé, il fait partie du backlog.
  • Backlog des travaux critiques pouvant arrêter l’usine : quels sont les travaux qui sont prioritaires et touchent des équipements critiques ?
  • Backlog des travaux prêts : liste des travaux prêts à être exécutés. C’est la liste de travaux que le planificateur utilisera pour élaborer le calendrier.
  • Backlog de projets : le backlog des projets et de l’ingénierie. Il est probable que ce backlog contienne des demandes plus anciennes que la moyenne.
  • Backlog d’arrêt : travaux qui ne peuvent être réalisés que lors des arrêts majeurs. Ce backlog a tendance à augmenter entre chaque arrêt et à diminuer après un arrêt. Les travaux à l’intérieur de ce backlog ne devraient pas dépasser un an à moins que vous ayez des arrêts qui ont une fréquence supérieure à un an.

Outils de gestion du backlog

La littérature propose souvent des outils de gestion et de priorisation du backlog, et les entreprises ayant un backlog monstrueux ont tendance à privilégier l’utilisation de ce genre d’outil. Lorsqu’on se retrouve avec près de 10 000 bons de travail ouverts dans le backlog, cela peut sembler être la seule solution possible.

Malheureusement, en pratique, j’ai constaté que peu d’entreprises réussissent avec ce genre d’outil. Les planificateurs commencent à l’utiliser pendant un certain temps, puis abandonnent son utilisation car ces outils sont souvent trop lourds à maintenir. De plus, ces outils agissent comme un pansement, ils aident à gérer le mal, mais ne résolvent pas le problème à la source.

Personnellement, je pense que lorsque vous avez besoin de ce genre d’outil, c’est qu’il est temps de faire le ménage dans votre backlog ! Une liste d’environ 1000 bons de travail bien classés avec des métiers, des priorités, des statuts et des types de travaux reste gérable par la maintenance et les opérations.

Backlog et intelligence artificielle

Est-ce que la maintenance 4.0 et l’intelligence artificielle peuvent nous aider à gérer le backlog ?

Beaucoup de compagnies de logiciels de maintenance commencent à envisager d’intégrer l’intelligence artificielle dans leur plateforme, avec des résultats surprenants.

Dans une démonstration d’une solution de GMAO, le système présentait une page qui contenait une série de données atypiques sur des bons de travail ou des équipements. Des informations manquantes ou incomplètes, des bons de travail qui prennent plus de temps que les autres ou qui sont littéralement perdus dans le backlog, et bien d’autres choses encore ! Le système apprend pendant un certain temps et détecte les tendances et les données aberrantes.

En tant que fiabiliste, c’était une partie de mon travail d’identifier ces tendances et ces données aberrantes ! La réponse est donc oui, l’intelligence artificielle pourra nous aider à améliorer la gestion de notre backlog et à identifier les travaux délinquants !

Conclusion

En conclusion, la gestion du backlog est essentielle pour assurer une maintenance efficace et prévenir les problèmes futurs.

Bien que des outils de gestion et de priorisation du backlog existent, il est important de ne pas simplement s’y fier comme solution miracle. Avant de recourir à ces outils, il est préférable de faire le ménage dans le backlog existant pour réduire sa taille et améliorer sa gestion.

En accordant une attention adéquate à la gestion du backlog, en établissant des processus de filtrage, de suivi et de mesure, les entreprises peuvent réduire les urgences et améliorer leur efficacité opérationnelle.

Comme mon mentor me disait toujours : “Gérer son backlog, c’est gérer sa maintenance !”

 

 

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